Journal de guerre d'André Sénéquier
22/8/1915 - 25/11/1918 (date du document)
André Sénéquier est né le 24 février 1875 au Muy (Var), fils d’Eugène, quincailler et de Perrimond Agathe. Décédé en 1962 à Figanières (Domaine Les Courneirèdes) où il avait pris sa retraite chez sa fille et son gendre, le Dr André Gayrard. André Sénéquier succèdera à son père Eugène dans le commerce (voir pièce jointe « Maison de Quincaillerie fondée en 1863 »). Il épouse Marthe Victor, fille de pâtissier, à Fréjus, et aura deux filles : Aimée (1909), ma marraine, et France (2 avril 1915), ma mère.
André était classé dans les Services annexes en raison de sa myopie. Il porta toute sa vie des lorgnons en pince-nez. Il en parlera lorsque, au volant de son camion, l’eau qui les recouvraient sans cesse l’empêchait de voir.
Malgré sa myopie, André Sénéquier est appelé au Service armé le 8 janvier 1915, comme soldat de 2e classe et versé dans le Service auto le 17 mars : 8e escadron du Train 425. Pendant son absence, deux de ses sœurs, Joséphine et Césarie, tiendront le magasin (RdC) et occuperont la maison familiale (1er et 2e étage) du Muy. Son frère cadet, Louis, instituteur, était aussi au front et sera blessé, gardant une invalidité et quelques troubles du caractère.
Le journal est tenu très soigneusement, sur de minces feuilles 18,5 x 13,5 cm, quadrillées, pliées en deux et paginées avec des reprises en 1915, puis repris de façon continue à partir de 1916. L’écriture, à l’encre un peu pâlie, est penchée et habituellement très lisible. Les faits, les lieux, les dates et même ses repas sont précisés avec minutie quasi-comptable. Mais il ne commente pas ses permissions. Le contenu est factuel, assorti de réflexions et de courtes descriptions. Il est toujours prêt à s’émerveiller de ces lieux qu’il découvre, quitte à ne plus trouver que des ruines d’un village qu’il avait traversé la veille.
Aide-conducteur, puis conducteur, ses missions consisteront à apporter du matériel (bois et obus le plus souvent, fournitures...) aux première lignes, comme à Verdun, parfois des troupes ou des blessés. Il sera constamment exposé au feu de l’artillerie et aux intempéries, dort peu et mal, parfois-même dans son camion. Le mot « canonnade » est celui qui revient le plus souvent sous sa plume. On peut se demander si ce vacarme, énorme et continu, et ces éclatements parfois proches n’ont pas été cause d’un traumatisme auditif, car il finira sa vie complètement sourd.
A ce texte manuscrit est joint son carnet militaire, couverture verte, rivetée, en bon état et 5 photographies, dont 2 où ni lui ni son frère Louis ne sont présents : des inconnus...
Il croise des généraux, comme Foch et Mangin, reçoit le baptême de l’air dans un bombardier Voisin, grâce à son gendre Jean Brienne, aviateur. Il note les mutineries de juin 17, et ne se plaint vraiment que d’une certaine désorganisation et de l’attitude des officiers, qu’il traite régulièrement « d’embusqués ». Il écrit peu sur l’année 1918 et il existe une lacune (pages perdues ?) entre juin et octobre de cette année-là. De longues lignes sont consacrées à l’offensive allemande de mai 1918 et à l’exode des réfugiés. Le 11 novembre « les délégués boches ont signé l’armistice ... la triste tragédie qui dure depuis 4 ans 4 mois est terminée. » écrit-il. Au retour des prisonniers par bateau, il se trouve choqué : « pas une ovation ... chez ces gens froids du Nord, pas un signe de bienvenue à ces malheureux qui viennent d’endurer toutes les souffrances par les fautes de la société. » (p. 183). A noter que lors du refus d’un ordre qui lui paraissait inacceptable, on l’avait jadis traité de « méridional ! bien sûr... ».